mercredi 24 janvier 2018

Le PAPE DICTATEUR par Marc-Antoine Colonna -15-

3. RÉFORME ? QUELLE RÉFORME ?

Le Pape comme nul autre

      Dès le moment où Jorge Bergoglio a été élu Pape, il a indiqué clairement qu’il allait être différent, une caractéristique qu’il avait déjà démontré aux Argentins et que le Professeur Rego de Planas décrit dans sa lettre citée précédemment (47). Elle a raconté comment elle assistait à des réunions où les autres évêques arrivaient, à l’heure, dans leurs voitures, alors que Bergoglio arrivait en retard, dans un tourbillon, expliquant bruyamment ses vicissitudes dans les transports publics. Sa réaction a été « Phew ! Quelle envie d’attirer l’attention ! » et elle a trouvé que beaucoup d’autres avaient la même impression. Ainsi aussi, lorsque François devint Pape, il n’utilisera pas la traditionnelle croix pectorale papale, ni l’anneau, ni les chaussures, ni le siège, mais en aura d’autres de moins grande splendeur. Ostensiblement, il refusa d’emménager dans l’ancien appartement papal donnant sur la place Saint-Pierre et se réserva des chambres dans la Casa Santa Marta, maison d’hôtes pour les cardinaux de passage, où il vivait depuis lors. L’un de ses gestes les plus émouvants fut d’aller le lendemain matin après son élection à la maison d’hôtes où il avait séjourné pour le Conclave, payant sa facture en personne ; conformément à l’humilité de l’occasion, les caméras de télévision étaient là pour le filmer. Le même jour, il a téléphoné à son coiffeur à la maison et à son dentiste pour annuler un rendez-vous, et à son agent de presse pour résilier ses journaux et s’assurer que la presse en soit informée.

      Les médias ont tout dévoilé, comme à Buenos Aires quand il a parcouru la ville en métro (avec son attaché de presse présent, et un photographe pour le filmer). Il ne faisait aucun doute qu’il y avait là un pape qui devançait tous les autres dans l’humilité. Il y avait eu des papes au cours des cent dernières années qui venaient de milieux au moins aussi modestes que Jorge Bergoglio (les "Papes paysans" Pie X et Jean XXIII), mais en étant élus au trône papal, ils avaient accepté les symboles traditionnels de leur charge. Bergoglio se distingue non seulement par ses gestes d’humilité, mais aussi par une bonhomie qui gagne tous les cœurs. À Buenos Aires, un catholique argentin l’avait surnommé carucha (visage grognon) en raison de son attitude habituelle d’Archevêque, mais maintenant ses compatriotes le virent se transformer en ce qu’Omar Bello appelait un Lassie papal, une figure qu’ils ne reconnaissaient guère.

      Le Professeur Rego de Planas a expliqué qu’elle avait interprété les gestes du Cardinal Bergoglio lorsqu’il était Archevêque de Buenos Aires comme un désir inébranlable d’être aimé de tous et de gagner une popularité facile ; mais après quatre ans de pontificat de François, nous devons reconnaître que son diagnostic était trop naïf. Elle n’avait pas compris ce qu’est Bergoglio, un homme politique accompli. Il sait que dans le monde moderne, l’image est tout et qu’un pape qui a les médias séculiers de son côté peut faire des choses dont personne n’avait rêvé, et c’était précisément son programme. Pour les médias, François fut le grand réformateur élu pour effectuer un rajeunissement miraculeux de l’Église. Personne ne s’est inquiété de constater qu’un petit signe de ce rajeunissement est apparu pendant son mandat d’Archevêque de Buenos Aires. Au cours de ses quinze années de mandat, l’Église Catholique en Argentine a subi une baisse de dix pour cent du nombre de ses membres ; les chiffres du sacerdoce et de la vie religieuse étaient encore pires. Après plus de quatre ans, rien n’indique que les choses aient changé depuis qu’il est Pape. En termes réels, "l’Effet François" s’est révélé un phénomène confiné aux médias.

      En particulier, nous devons nous demander ce qu’il est advenu des trois problèmes majeurs qui étaient sur la table lorsque les cardinaux ont fait leur grand saut dans le noir. L’un d’entre eux était le scandale de la Curie Romaine, dont de nouvelles preuves avaient circulé en décembre 2012 ; un autre était celui des abus sexuels au sein du clergé, un scandale mondial qui s’accélérait depuis vingt ans et qui, à l’époque du pontificat de Benoît XVI, s’efforçait justement de détruire toute l’autorité morale de l’Église ; et le troisième était aussi de longue date, le marasme des finances du Vatican qui était devenu un scandale public sous le règne de Jean-Paul II et qui avait résisté jusqu’à présent à toutes les tentatives d’y faire face.

(47) Lucrecia Rego de Planas, "Carta al Papa Francisco" (Lettre au Pape François), 23 Septembre 2013. Voir la note 10 du Chapitre 2.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire