lundi 22 janvier 2018

Le PAPE DICTATEUR par Marc-Antoine Colonna -13-

Les relations de Bergoglio avec le Vatican
 
      Sa nouvelle posture fit de Bergoglio un objet de suspicion pour le nonce pontifical en Argentine, l’Archevêque Bernardini, et pour les prélats dont Héctor Aguer, qui fut Archevêque de La Plata. En effet, après six ou sept ans de combat, l’opposition dont il souffrait de ces secteurs vint éclipser sa propre influence, et devait conduire à un règlement brutal des comptes quand il devint Pape. Mais avant même cette élévation, Bergoglio ne manquait pas de moyens pour riposter. L’un d’entre eux était l’influence permanente de l’argent dans la politique curiale, à une époque où le Vatican se débattait avec les embarras que lui léguait le système Marcinkus. En tant qu’Archevêque de Buenos Aires, le Cardinal Bergoglio était chancelier d’office de l’Université Catholique Pontificale d’Argentine, qui avait une riche dotation de 200 millions de dollars. Sans aucune raison claire, une grande partie de cet argent a été transférée à la Banque du Vatican. L’opération rappelle un scandale des années auparavant, lorsque Bergoglio avait été évêque auxiliaire de Buenos Aires et que l’archidiocèse a répudié une dette de dix millions de dollars, au motif que le chèque émis par la curie archiépiscopale n’avait pas été correctement signé. Austen Ivereigh donne un compte rendu blanchissant de ces incidents (40), présentant Bergoglio comme le réformateur qui a nettoyé le désordre, mais la vérité est que, comme le bras droit du Cardinal Quarracino à l’époque, il devait avoir une connaissance intime de la manière dont le chèque avait été émis, et les faits n’ont jamais été expliqués de manière satisfaisante. Ces cas ne sont que deux exemples d’obscurcissements qui suggèrent que toute la question des transactions financières pendant le mandat de Bergoglio à Buenos Aires serait défrayée par une étude spéciale d’un chercheur expert dans le genre.

      Un autre moyen d’influence pour le Cardinal Bergoglio était ses contacts personnels. À Rome, il a eu un ami en la personne du Cardinal Giovanni Battista Re, qui a été préfet de la Congrégation des Évêques de 2000 à 2010. Le Cardinal Re a commencé comme un allié dévoué de Bergoglio, jusqu’à ce qu’il se rende compte de l’homme avec qui il traitait et s’est retourné contre lui ; pendant la lune de miel, Bergoglio a profité de l’amitié pour implanter dans la Congrégation des Évêques le prêtre argentin Fabián Pedacchio, qui est devenu son agent et son informateur. Il envoya au Cardinal Bergoglio un flot d’informations par téléphone et fax, l’informant des lettres reçues dans la Congrégation pour les Évêques, même celles qui étaient sous le sceau du secret. Grâce à cet allié, Bergoglio avait un certain nombre de disciples nommés évêques non seulement en Argentine, mais aussi dans d’autres hiérarchies sud-américaines. En étant élu Pape, Bergoglio récompensa le Père Pedacchio en faisant de lui son secrétaire particulier, une nomination dans laquelle il continue d’exercer son influence antérieure.

      Le cas le plus notable dans lequel Bergoglio utilisa le Père Pedacchio fut dans sa querelle avec l’évêque de l’Opus Dei, Mgr Rogelio Livieres, qui dirigeait le diocèse de Ciudad del Este. Bien que cette ville se trouve au Paraguay, elle est proche de la frontière argentine, et Mgr Livieres était lui-même argentin d’origine. Il était un fervent traditionaliste, et en tant que tel, il représentait un défi non seulement pour Bergoglio, mais aussi pour les libéraux dans toute la hiérarchie sud-américaine. Dans son propre diocèse, Livieres avait fondé un séminaire qui se distinguait par la formation sacerdotale traditionnelle et obtint un succès qui ne pouvait être ignoré. À son apogée, le séminaire de Ciudad del Este comptait 240 étudiants, soit plus que tous les autres diocèses paraguayens réunis. Il attira également des réfugiés du propre séminaire du Cardinal Bergoglio à Buenos Aires, qui n’était pas dans un état heureux, ce qui n’aida pas Bergoglio à regarder gentiment son rival. Le membre le plus connu de la hiérarchie paraguayenne est Fernando Lugo, Évêque de San Pedro, qui abandonna son ministère pour une carrière politique et devint Président du pays, jusqu’à ce qu’il soit destitué par son parlement en 2012. Auparavant, il combinait sa vie épiscopale avec une série d’affaires et avait engendré plusieurs enfants illégitimes. Mgr Livieres était seul à dénoncer l’Évêque Lugo et ses collègues de la hiérarchie paraguayenne qui conspiraient pour garder secrète la mauvaise conduite de Lugo.

      En 2008, peu après l’élection de Lugo à la présidence, Mgr Livieres rendit une visite ad limina au Pape Benoît XVI et lui remit personnellement une lettre, sous scellés, dans laquelle il critiquait le système de nomination qui avait réussi à produire Mgr Lugo. Ses précautions n’ont pas empêché la lettre d’être transmise au Cardinal Bergoglio et de là, elle a été divulguée à la presse, avec l’intention réussie de brouiller Mgr Livieres avec le gouvernement paraguayen et avec le reste de sa hiérarchie (41). Ceci s’avéra simplement un avant-goût du traitement que l’évêque allait recevoir sous le Pape François, lorsqu’il fut démis de ses fonctions dans l’année qui suivit l’élection du Pape et que son séminaire fut dissous.

      Une leçon que nous pouvons tirer de ces désaccords : il y a près de quarante ans, le jeune Père Bergoglio avait été nommé Provincial des Jésuites argentins dans un moment de crise ; les temps avaient changé, mais l’ancien Cardinal Archevêque, en conflit avec le gouvernement national, avec le nonce pontifical dans son pays, avec une grande partie au sein de sa propre Église et même avec les évêques de l’autre côté de la frontière, n’avait pas perdu son talent pour être une force de division.

      Les révélations sur le Père Pedacchio et l’Évêque Livieres ont été faites par le journaliste espagnol Francisco José de La Cigoña bien avant l’élection de Bergoglio comme Pape. De La Cigoña a mentionné dans son article un autre agent du Cardinal Bergoglio, le prêtre argentin Guillermo Karcher, qui se trouvait à Rome dans le département du Protocole de la Secrétairerie d’État, tandis qu’à Buenos Aires il y avait l’évêque auxiliaire de Bergoglio, Eduardo García, qui avait pour tâche de gérer "l’opinion" sur les évêques et autres membres du clergé sur Internet. Après avoir décrit ce système de contrôle, De La Cigoña a commenté : « C’est ainsi que Bergoglio procède pour générer un réseau de mensonges, d’intrigues, d’espionnage, de méfiance et, plus efficace que tout, de peur. C’est l’opinion d’un fonctionnaire argentin qui travaille au Vatican et qui, de peur bien sûr, préfère ne pas être nommé : Bergoglio « est une personne qui sait avant tout faire peur. » C’est pourquoi il a une influence dans le Saint-Siège qui en surprend beaucoup. Même s’il travaille avec soin pour impressionner tout le monde avec l’apparence d’un saint en plâtre, austère et mortifié, c’est un homme avec une mentalité de pouvoir. Et il l’a toujours été. »
(42) En rapportant ces perceptions à un lectorat espagnol, De La Cigoña transmettait l’estimation que beaucoup d’Argentins avaient alors faite de leur Archevêque, mais qui malheureusement n’avait pas atteint la connaissance des cardinaux du monde lorsqu’ils se sont rencontrés pour le Conclave de 2013.

      La position que Bergoglio s’était construite au cours de ces années était cependant menacée par une échéance imminente. En décembre 2011, lorsqu’il atteindra l’âge de soixante-quinze ans, il devra présenter sa démission comme archevêque, et un départ se dessinant et un mouvement l’éloignant du navire qui coulait devient apparent. Omar Bello considère que Bergoglio a été éclipsé en 2011 par son rival Héctor Aguer, Archevêque de La Plata. Le Pape Benoît XVI a en effet refusé la démission de Bergoglio (au dégoût des membres de la hiérarchie argentine, qui allaient bientôt souffrir de leur mécontentement) et, comme cela arrive souvent dans de tels cas, a demandé au prélat sortant de continuer un peu plus longtemps. Mais même à ses propres yeux, le Cardinal Bergoglio ne pouvait paraître qu’un canard de plus en plus boiteux à cette époque ; il parlait de démissionner et de se retirer dans une maison de retraite pour le clergé. Les espoirs qui avaient été soulevés dans le Conclave de 2005 disparaissaient, alors que le règne du Pape Benoît XVI suivait une ligne doctrinale que Bergoglio avait trop ouvertement écartée.

(40) Ivereigh, op, cit., p.243-244.

(41) Voir Francisco José de La Cigoña, "Los peones de Bergoglio" ("Les pions de Bergoglio"), dans le journal espagnol Intereconomía du 26 décembre 2011.

(42) Voir Francisco José de La Cigoña, "Los peones de Bergoglio" ("Les pions de Bergoglio"), dans le journal espagnol Intereconomía du 26 décembre 2011.

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