jeudi 1 mars 2018

Le PAPE DICTATEUR par Marc-Antoine Colonna -32-

Inclinaison de la balance
 
             L’intervention du Pape François traitait également d’une autre crise qui avait surgi au sein du parti "progressiste", à savoir la défense directe de l’enseignement moral catholique établi par le Cardinal Erdő, le Rapporteur Général du Synode. Dans son rapport d’ouverture, présenté le premier jour de l’assemblée, Erdő a réaffirmé l’enseignement de l’Église à travers tout le spectre de l’éthique sexuelle, y compris en rejetant résolument la "proposition Kasper". La réaffirmation de l’orthodoxie catholique par Erdő a encouragé de nombreux pères synodaux, mais le Pape François a agi de manière décisive pour la saper. Dans son intervention imprévue du lendemain matin, le Pape François a ordonné aux pères de considérer le Synode Ordinaire comme étant en parfaite continuité avec le Synode Extraordinaire. Il leur a dit qu’ils ne devaient considérer que trois documents comme documents formels du synode ; il s’agissait de son propre discours d’ouverture au Synode Extraordinaire, de la Relatio du Synode Extraordinaire et de son propre discours de clôture de ce synode. Il a également souligné que c’est l’Instrumentum Laboris qui devrait guider la discussion dans les prochains jours.

      Cela a sapé l’autorité du rapport du Cardinal Erdő et a signalé aux pères synodaux qu’il souhaitait que les discussions se déroulent dans le sens établi par la Relatio Synodi oblique plutôt que par le Cardinal Erdő. Le pape a également précisé que la question de la réception de la Sainte Communion par les « divorcés et remariés » était à l’ordre du jour pour le synode. Le contenu de l’intervention du Saint-Père a été répété à plusieurs reprises par le P. Lombardi et d’autres intervenants lors de la conférence de presse (126). Les actions du Pape François semblaient orientées vers l’affaiblissement des efforts du Cardinal Erdő pour réorienter le Synode Ordinaire vers l’affirmation et la défense de la doctrine catholique.

      À bien des égards importants, le Synode Ordinaire a suivi une voie similaire à celle de la première assemblée. Le service de presse semblait encore une fois manipuler le contenu. Le P. Rosica a tenu à rapporter une intervention dans laquelle il a été dit que « dans la pastorale des personnes, le langage de l’inclusion doit être notre langue, en tenant toujours compte des possibilités et des solutions pastorales et canoniques ». Il a également fait référence à des interventions appelant à une « nouvelle catéchèse pour le mariage », à un « nouveau langage pour parler aux gens de notre temps », à de nouvelles « approches pastorales pour ceux qui vivent ensemble avant le mariage » et à une nouvelle approche de l’homosexualité.

      L’une des interventions relayées par Rosica était la suggestion que la question de la Sainte Communion pour les divorcés et remariés pouvait être résolue de différentes manières dans différentes parties du monde. Cela conduirait à des pratiques différentes, et implicitement des doctrines différentes, dans différentes parties de l’Église. Ces appels à la "décentralisation" s’inscrivaient dans le cadre de la stratégie globale adoptée par le parti "progressiste" (127).

      Dans un important discours prononcé le 17 octobre 2015, à mi-parcours du Synode, le Pape François déclarait qu’il « ressentait le besoin de procéder à une saine "décentralisation" » du pouvoir vers « les Conférences Épiscopales ». « Nous devons réfléchir
à une meilleure réalisation à travers ces organismes », a-t-il dit, parce que « l’espoir du Concile que de tels organismes contribuent à accroître l’esprit de collégialité épiscopale n’a pas encore été pleinement réalisé » (128).

      La demande de dévolution du pouvoir, y compris « une véritable autorité doctrinale », a été réitérée par certains pères synodaux. L’Abbé Jeremias Schroder, qui a assisté au synode en tant que représentant de l’Union des Supérieurs Généraux, a déclaré que tant « l’acceptation sociale de l’homosexualité » que la manière de traiter les « personnes divorcées et remariés » sont des exemples « où les Conférences épiscopales devraient être autorisées à formuler des réponses pastorales en harmonie avec ce qui peut être prêché, annoncé et vécu dans un contexte différent ».

      L’Abbé alléguait que cette délégation était soutenue par une majorité des pères synodaux. « Cela est arrivé à maintes reprises, de nombreuses interventions dans l’
aula ont développé le sujet qu’il devrait y avoir une délégation et l’autorisation de traiter des questions au moins pastoralement de différentes manières selon les cultures... Je pense que j’ai entendu quelque chose comme ça au moins vingt fois dans les interventions, alors que seulement deux ou trois personnes se sont prononcées contre, affirmant que l’unité de l’Église doit être maintenue à tous égards et qu’il serait douloureux d’entrer dans une telle délégation d’autorité. » (129)

      Il y avait en fait une opposition considérable de la part des pères synodaux conservateurs, comme en témoignent les interventions publiées de prélats tels que l’Archevêque Gadecki de Poznan, l’Archevêque Tomas Peta du Kazakhstan et l’Archevêque Majeur de Kiev, Sviatoslav Shevchuk. Pourtant, la résistance de tels cardinaux et évêques n’a pas pu empêcher l’approbation de nombreux paragraphes qui semblaient miner, voire directement contredire, l’enseignement catholique antérieur
(130). À cet égard, le paragraphe 85 de la Relatio, qui soulève la question de « l’intégration » des catholiques divorcés et remariés qui ne sont pas entièrement coupables de leurs péchés, revêt une importance particulière. Ce paragraphe est référencé et développé dans l’Exhortation Apostolique Amoris Laetitia. Dans le paragraphe 305, et la note de bas de page qui l’accompagne (n° 351), le Pape François indique que, dans certains cas, ceux qui vivent dans un « état objectif de péché » peuvent être admis aux sacrements de Pénitence et de Sainte Communion sans modification de la vie, lorsqu’il est jugé qu’ils ne sont pas « subjectivement coupables » de péché mortel. Il s’agit d’une dérogation à l’enseignement établi selon lequel ceux qui sont objectivement coupables de péché mortel public doivent se voir refuser l’admission aux sacrements, malgré l’existence de facteurs qui pourraient réduire leur culpabilité. En ce qui concerne les divorcés et remariés, le Pape Jean-Paul II a enseigné : « Ils ne peuvent y être admis du fait que leur état et leur condition de vie contredisent objectivement cette union d’amour entre le Christ et l’Église qui est signifiée et accomplie par l’Eucharistie. » (131) Il y a donc un conflit entre l’enseignement du paragraphe 305 d’Amoris Laetitia et celui du paragraphe 84 de Familiaris Consortio.

      Pour être approuvé, chaque paragraphe devait, selon les règles du synode, être approuvé à la majorité des deux tiers, soit 177 voix. Le paragraphe 85 a reçu 178 voix. On peut voir que si le Pape François n’avait pas ajouté au synode, comme ses propres nominations papales spéciales, de nombreuses personnes – y compris le Cardinal Kasper lui-même – qui étaient connues pour soutenir l’admission des pécheurs publics non repentants aux sacrements, le paragraphe n’aurait pas été approuvé. Ce seul fait vaudrait l’affirmation selon laquelle les synodes sur la famille étaient truqués, par le Pape lui-même. Mais il y a suffisamment de preuves d’une manipulation systématique tout au long du processus synodal pour justifier la remarque de Mgr Athanase Schneider : la manipulation des synodes « restera pour les générations futures et pour les historiens une marque noire qui a entaché l’honneur du Siège Apostolique »
(132).

(126) "Has the intervention of Pope Francis returned the synod to a heterodox trajectory ?" (L’intervention du Pape François a-t-elle ramené le synode sur une trajectoire hétérodoxe ?), 7 octobre 2017, Voice of the Family. http://voiceofthefamily.com/has-the-intervention-of-pope-francis-returned-synod-to-heterodox-trajectory/

(127) "Has the intervention of Pope Francis returned the synod to a heterodox trajectory ?" (L’intervention du Pape François a-t-elle ramené le synode sur une trajectoire hétérodoxe?), 7 octobre 2017, Voice of the Family. http://voiceofthefamily.com/has-the-intervention-of-pope-francis-returned-synod-to-heterodox-trajectory/

(128) "Ceremony Commemorating the 50th Anniversary of the Institution of Synod of Bishops : Address of His Holiness Pope Francis" (Cérémonie commémorant le 50e anniversaire de l’institution du Synode des Évêques : Discours de Sa Sainteté le Pape François), 17 octobre 2015, vatican.va http://w2.vatican.va/content/francesco/en/speeches/2015/october/documents/papa-francesco_20151017_50-anniversario-sinodo.html

(129) "Papal calls for decentralization put integrity of Catholic doctrine at risk" (Les appels du Pape à la décentralisation mettent en péril l’intégrité de la doctrine catholique), 22 octobre 2015, Voice of the Family, http://voiceofthefamily.com/papal-call-for-decentralization-puts-integrity-of-catholic-doctrine-at-risk/

(130) Une analyse détaillée de la "Relatio Synodi" du Synode Ordinaire peut être trouvée dans "Analysis of the Final Report of the Ordinary Synod" (Analyse du Rapport Final du Synode Ordinaire), 10 mars 2016, Voice of the Family, http://voiceofthefamily.com/wp-content/uploads/2016/03/Analysis-of-the-Final-Report-of-the-Ordinary-Synod-on-the-Family15-3-16.pdf

(131) Jean-Paul II, Familiaris Consortio, N° 84.

(132) "Bishop Athanasius Schneider on the synod on the family" (Mgr Athanasius Schneider sur le Synode de la Famille), 5 novembre 2014, LifeSiteNews, https://www.lifesitenews.com/news/bishop-athanasius-schneider-on-the-synod-on-the-family

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