mardi 10 avril 2018

Le PAPE DICTATEUR par Marc-Antoine Colonna -56-

La dictature de la miséricorde
 
           Les journalistes qui couvrent les affaires romaines sont de plus en plus conscients que « sous le Pape François, le Vatican réduit systématiquement au silence, élimine et remplace les critiques des vues du Pape » (172), et des nouvelles effrayantes sont apparues au sujet des moyens utilisés. Gianluigi Nuzzi rapporte qu’en mars 2015, de nombreuses écoutes ont été découvertes dans les voitures, les bureaux et les maisons privées du clergé du Vatican, et que, dans une anomalie inexpliquée, la Gendarmerie (le service de sécurité intérieure du Vatican) n’a pas été appelée pour enquêter (173). Les membres du clergé et les laïcs travaillant à la Curie trouvent des signes révélateurs dans leurs appels téléphoniques, dans lesquels, après un appel interrompu, ils entendent l’audio des derniers instants de leur conversation qui leur est restituée – un signe bien connu d’écoute téléphonique (174). Ceux qui sont à la Curie tiennent pour acquis que leurs appels téléphoniques et leurs courriels sont systématiquement espionnés.

      Quant au Pape François lui-même, Damian Thompson rapporte que ses accès de colère, sa grossièreté envers ses subordonnés et son langage vulgaire sont devenus notoires dans tout le Vatican. Thompson cite une source bien placée : « François n’a pas à se présenter à la réélection par le Conclave. Ce qui, croyez-moi, est une chance pour lui, car après la misère et les bêtises des deux dernières années, il serait éliminé au premier tour de scrutin. » (175) C’est une vérité dont peu dans la Curie douteraient ; ils se sont réveillés au fait que l’élection du "Grand Réformateur" en 2013 a eu pour effet de les placer sous une dictature argentine à l’ancienne, avec toutes ses méthodes. Dans les premiers mois, inspirés par les bouffonneries de relations publiques de François, le surnom de leur révérend maître parmi le clergé du Vatican était "Toto le Clown". Ils ont maintenant réalisé qu’ils l’ont sous-estimé, et le surnom actuel est "Ming", d’après l’empereur cruel dans les bandes dessinées Flash Gordon. Un cardinal a fait la remarque suivante : « Au Vatican, tout le monde craint le pape François ; personne ne le respecte, du Cardinal Parolin jusqu’au bas. »

      La peur est la note dominante dans la Curie sous la domination de François, avec une méfiance mutuelle. Ce ne sont pas seulement les informateurs qui s’attirent les faveurs en signalant les conversations non surveillées – comme l’ont découvert les trois subordonnés du Cardinal Müller. Dans une organisation où les corrompus moralement ont été laissés en place, et même promus par le Pape François, le chantage subtil est à l’ordre du jour. Un curé s’est moqué : « On dit que ce n’est pas ce que vous savez, mais qui vous connaissez. Au Vatican, ce n’est pas vrai, c’est ce que vous savez sur qui vous connaissez. »

      Cet état de choses est sans précédent à la Curie Romaine, mais nous pouvons lire la biographie du Pape François d’Austen Ivereigh pour trouver un temps et un lieu avec un cercle familier. Décrivant le régime Perón de la jeunesse de Bergoglio, il raconte comment, après 1952, « Perón est devenu défensif et paranoïaque, descendant dans la folie autoritaire qui afflige couramment les gouvernements populistes-nationalistes en Amérique Latine... les fonctionnaires de l’État devaient être membres du parti, les désaccords étaient présentés comme dissidents et les opposants... définis comme des ennemis du peuple. » (176) L’auteur lui-même n’a pas remarqué le parallèle, mais certains de ses éléments se retrouvent même dans son récit. Lorsqu’il passe au pontificat de François, il présente une esquisse de ses "réformes" du Vatican, que l’on peut qualifier de chef-d’œuvre de la pirouette, mais même au milieu des signes de propagande, on voit à quel point les méthodes du Pape sont autocratiques et impopulaires : « François a arrogé ce qui était traité par les institutions du Vatican à un cercle étroit autour de lui, et le contournement des anciens canaux provoque un grand ressentiment. L’extraordinaire popularité de François au-delà des frontières de l’Église est en contraste frappant avec la vision qui est au Vatican, où il y a beaucoup de grognements... C’est un paradoxe de Bergoglio : le pape collégial, proche du peuple, exerce son autorité souveraine d’une manière qui peut paraître autoritaire. Il s’agit d’un gouvernement hautement personnaliste, qui contourne les systèmes, dépend de relations étroites, travaille par l’intermédiaire de personnes plutôt que de documents, et garde un contrôle serré... De bien des façons, François est le pape le plus centralisé depuis Pie IX. » (177)

      Pie IX (1846-78) et les jours des États Pontificaux sont en effet rappelés par un phénomène qui n’avait pas été vu depuis de nombreuses générations. Le 4 février 2017, les Romains se sont réveillés pour trouver leur ville enduite d’images se moquant du Pape (178). Ces affiches représentaient François dans une de ses humeurs moins joviales, et au-dessous de lui la légende : A France’, hai commissariato Congregazioni, rimosso sacerdoti, decapitato l’Ordine di Malta e i Francescani dell’ Immacolata, ignorato Cardinali.... ma n’do sta la tua misericordia ? Cela pourrait se traduire ainsi : « Hé, Frankie, tu as démantelé des Congrégations, démis des prêtres, décapité l’Ordre de Malte et les Franciscains de l’Immaculée, ignoré des Cardinaux... où est ta miséricorde, alors ? »

      Le pamphlet, composé dans le dialecte Romanesco (le Coq Romain), rappelait consciemment les pasquinades qui apparaissaient à l’époque du Pouvoir Temporel, et il faudrait remonter à cette époque pour trouver le dernier cas d’une satire politique contre un pape régnant affiché publiquement à Rome. C’est un signe du fait que la popularité de François, sur la base de laquelle il a fondé son style de démoulage, s’est effondrée en Italie et au-delà. Un autre signe se trouve dans les chiffres des audiences papales sur la Place Saint-Pierre, qui ont lieu plus ou moins chaque semaine et qui attiraient des dizaines de milliers de fidèles. Les statistiques officielles de la participation moyenne à ces événements depuis que François est devenu Pape sont les suivantes :
      2013 : 51 617
      2014 : 27 883
      2015 : 14 818

      Pour 2016, aucun chiffre n’est disponible, mais on estime qu’ils sont inférieurs à 10 000, soit moins d’un cinquième de ce qu’ils étaient il y a quatre ans et à l’époque de Benoît XVI (179). Pour ceux qui voient les bandes décroissantes à l’intérieur des colonnades de Saint-Pierre, le message est clair : le Pape du Peuple est déserté par le peuple. L’assistance de masse a également chuté en Italie, et il semble que ce soit de même dans le reste du monde. Le pontificat de François, qui devait revivifier l’Église, après quatre ans de battage médiatique, s’avère un échec implacable.

(172) LifeSiteNews, 26 janvier 2017 : Philip Lawler, « The ideological purge at the Vatican. » (La purge idéologique au Vatican)

(173) Nuzzi, "Merchants in the Temple" (Les Marchands du Temple), p.204. ["Via Crucis" p.268]

(174) OnePeterFive, 17 novembre 2016 : Steve Skojec, « The Dictatorship of Mercy. » (La Dictature de la Miséricorde)

(175) The Spectator, 14 janvier 2017 : Damian Thompson, « Why more and more priests can’t stand Pope Francis. » (Pourquoi de plus en plus de prêtres ne supportent pas le Pape François.)

(176) Ivereigh, op. cit., p.28.

(177) Ivereigh, op. cit., pp.383-384.

(178) Les 200 affiches ont été enlevées en quelques heures par les fonctionnaires de la ville de Rome, où le Pape n’a aucune juridiction légale. Les affiches annonçant les opinions politiques sont connues pour rester en vue dans la ville pendant des années, sans être dérangée.

(179) Article dans Il Tempo du 2 juillet 2017 : Valentina Conti, « E i fedeli manifestano la loro insoddisfazione disertando le udienze in piazza San Pietro. » (Et les fidèles manifestent leur mécontentement en désertant l’audience sur la place Saint-Pierre.)

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